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dimanche 28 novembre 2010

Après les élections de 2010, le choix entre sortir ou rentrer dans la crise

Prof. Christophe Sebudandi,
Consultant de l'OAG
Presque tous les observateurs attentifs à l'évolution du Burundi depuis les élections de 2010, s'accordent sur le fait qu'une crise politique est désormais ouverte. Les divergences pourraient se situer seulement sur les directions qu'elle prendra, politique, ou évoluer progressivement vers une violence réduite ou généralisée.

Le rapport complet du Consultant de l'OAG.

Jusqu'à présent, ce qui semble cruellement manquer, c'est la capacité des acteurs et des institutions, à gérer et résoudre de manière pragmatique et pacifique, le conflit né du contentieux électoral. Très justement, par rapport à ce type de problématique, l'ancien secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan , faisait le constat suivant "au cour de pratiquement tous les conflits civils, il y a la question de l'Etat et de son pouvoir, de savoir à qui il échoit et comment il s'exerce. Aucun conflit ne peut se résoudre sans répondre à ces questions, et de nos jours, les réponses doivent presque toujours être démocratiques - ne serait-ce que dans les formes (....) La démocratie se pratique de bien des façons et aucune n'est parfaite. Mais dans le meilleur des cas, elle offre une méthode pour gérer et régler les différends sans violence et dans un climat de confiance mutuelle".

Vraisemblablement, le consensus dégagé au sein des institutions autour de la récente désignation de l'Ombusdman laisse augurer de pratiques, où le contrôle entre les pouvoirs risque d'être réduit à néant. Alors que depuis le début de la législature passée, beaucoup de voix s'étaient élevées pour réclamer la mise en place de l'Ombudsman, les raisons du blocage étaient restées mystérieuses. Au vu de ce qui vient de se passer, l'hypothèse qui peut être émise est que le parti au pouvoir, ne pouvant disposer de la majorité des trois quarts, exigée par la Constitution, a préféré temporiser, en attendant que cette condition soit peut-être un jour réunie.

Le contraste entre les blocages, jadis constatés, et l'empressement mis dans la désignation de l'Ombudsman ainsi que le profil du candidat choisi, montrent que les obstacles tant redoutés étaient enfin levés. Le parti au pouvoir ne voulait prendre aucun risque en désignant quelqu'un qu'il ne contrôlait pas, à la tête d'une institution dotée d'énormes pouvoirs de contrôle . Pour la désignation de l'Ombudsman, devenu candidat unique, hormis les protestations des députés de l'UPRONA et des représentants des Batwa, le processus s'est effectué dans un unanimisme total. Alors que des doutes pouvaient être permis sur l'adéquation du profil aux conditions requises, surtout en ce qui concerne le niveau d'étude, l'expérience pertinente, l'indépendance et l'intégrité, les parlementaires n'ont eu de cesse qu'à utiliser leur majorité pour désigner le candidat désigné par le parti.

En ce qui concerne l'indépendance de l'appareil judiciaire, c'est le statu quo qui semble prévaloir. Juste après les élections communales, l'appareil judiciaire a été mis à contribution dans les tracasseries, la répression et l'arrestation d'opposants politiques réels ou supposés.

L'emprisonnement de membres de l'opposition et de journalistes, souvent sur base de motifs non fondés ou parce que ceux-ci ont fait usage de leurs droits d'expression ou d'opinion est caractéristique de cette instrumentalisation du judiciaire par l'Exécutif. L'incapacité d'instruire et de juger rapidement et équitablement dans les affaires, où des présomptions sérieuses pèsent sur des personnes influentes au sein de l'exécutif, est un autre signe d'une complète dépendance du judiciaire. Parmi tant d'autres, le dossier de l'assassinat d'Ernest Manirumva en est l'illustration la plus emblématique.

Corruption et malversations économiques : la tolérance zéro à l'épreuve des faits

En vue de mettre fin aux pratiques généralisées de corruption, observées lors du précédent mandat, le Président de la République a déclaré la tolérance zéro face à la corruption, en ces termes : "Nous proclamons déjà la tolérance zéro à tous les coupables d'actes de corruption, de malversations économiques et d'autres infractions connexes. Que cela ne soit pas compris comme un simple slogan". Dans le dispositif de lutte contre la corruption, l'affirmation de la volonté politique occupe une place importante, surtout que lors de la législature passée, même le discours fustigeant la corruption était devenue rare.

Cette volonté du Président a été vite accompagnée par des actions du nouveau Ministre à la Présidence chargée Bonne Gouvernance et de la Privatisation, principalement à travers une campagne médiatique contre la corruption. Pour donner l'exemple, deux dirigeants des société para étatiques, la Société Sucrière du Moso (SOSUMO) et l'Office des Transports du Burundi (OTRACO) ont été mis sous les verrous pour cause de corruption et de malversations économiques. Après ce coup d'éclat, aucune autre action visible, n'a été entreprise, laissant penser à une sorte de "bouc-émissairisation".

Alors que dans le cas de la SOSUMO, le Directeur Général avait vraisemblablement bénéficié de l'appui actif de l'ancien 2ème Vice-président de la République, Gabriel Ntisezerana, contre la Ministre du Commerce et de l'Industrie d'alors, Madame Euphrasie Bigirimana, celui-ci s'en est tiré par un communiqué de son ancien porte-parole, le disculpant entièrement. Tout simplement, ce dernier a affirmé que le deuxième Vice-président aurait été trompé sur la santé financière de l'entreprise. Cet argument est peu crédible car le deuxième Vice-président disposait de tous les moyens nécessaires pour obtenir toute information souhaitée. Par ailleurs, l'autorité de tutelle et les média avaient largement fait état d'allégations de corruption au sein de la SOSUMO et ces éléments pouvaient être consultés. Au contraire, ces autorités et ces médias ont été mis sur la touche.


Source: OAG

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